La Droite, la Gauche et le Gaullisme par Alain TERRENOIRE

A l’occasion des élections du prochain président du parti Les Républicains et avec une insistance répétitive, certains de ses membres voudraient réduire ce mouvement politique à la représentation d’une seule fraction du peuple français, celle qui se réclame de la Droite.

En même temps, nombre d’entre eux se prétendent les héritiers du Gaullisme. Pourtant, le plus authentique des Gaullistes, sinon le seul, n’a-t-il pas déclaré le 15 décembre 1965: « ce n’est pas la Droite, la France, ce n’est pas la Gauche, la France »?. Pour nourrir cette appartenance à la Droite, à ses valeurs et à sa tradition, les mêmes s’illustrent à travers leurs discours comme les défenseurs d’une identité française mise à mal par « des élites mondialisées » et par ce qu’ils décrivent comme un envahissement progressif par une immigration ethnico-religieuse.

Certes, un tri bien plus efficace entre les demandeurs d’un asile justifié et l’immigration économique aurait du être entrepris depuis longtemps, en intégrant, dès l’école, ceux qui s’installaient dans notre pays pour qu’ils deviennent des Français à part entière. Et cela d’autant plus que la persistance d’un chômage massif a considérablement réduit les besoins en main d’œuvre non qualifiée et que le renouvellement démographique est en France plus favorable que dans les autres pays de l’Union Européenne.

Au nom d’une souveraineté française qui serait « bafouée », ces néo-gaullistes autoproclamés y ajoutent bien souvent des critiques sur l’engagement européen de la France.

Curieusement, ce sont souvent les mêmes qui se sont réjouis du retour de notre pays sous la tutelle américaine, lors de sa réintégration dans l’organisation militaire de l’OTAN.

En réalité, si le Gaullisme, qui a pris sa source dans « une certaine idée de la France », a encore un sens, quarante sept ans après la mort de son inspirateur, ce ne pourrait-être que par son universalité intemporelle. Et pour éclairer cette dernière formule, il nous suffit de faire référence aux discours, écrits et actes fondateurs du Gaullisme.

Lorsque entre les deux guerres mondiales, de Gaulle préconise une « armée de métier » et non plus « l’armée du peuple » en vigueur depuis la Révolution, il alerte les responsables politiques et militaires sur la résurgence des menaces s’annonçant Outre-Rhin. Mais, c’est à « l’aube », le journal de la démocratie sociale d’inspiration Chrétienne et pro-européen, qu’il confia ses articles, un des rares journaux à avoir dénoncé les Accords de Munich.

Qui pourrait prétendre que l’Appel du 18 juin 1940 fut celui d’un nationaliste exacerbé, puisque la plupart d’entre eux se réfugièrent derrière la frêle silhouette, supposée rassurante, d’un vieux Maréchal, où ils furent accompagnés par la majorité des parlementaires de Gauche du Front Populaire?

C’est donc rappeler qu’en cette douloureuse période, Gauche et Droite ne furent pas rapidement au rendez-vous de l’Histoire. Et nombreuses furent les personnalités de ces deux bords, en s’affichant à Vichy aux côtés de Pétain, à devenir des zélateurs, et même pour certains, des acteurs de la collaboration avec l’occupant.

Dans la Résistance, ultra minoritaire, qui s’opposa à l’occupation nazie, ce sont des hommes et des femmes de tous horizons politiques qui s’engagèrent pour cette cause, dans l’esprit du beau poème d’Aragon, la Rose et le Réséda de mars 1943 : « celui qui croyait au Ciel et celui qui n’y croyait pas ».

Puis ce furent les mêmes, toutes tendances confondues, qui approuvèrent, en mars 1944, sous l’autorité du Général de Gaulle, le programme du Conseil National de la Résistance.

Et pour symboliser ce rassemblement national à la Libération, le Chef de la France Libre constitua son premier gouvernement avec des ministres, allant de l’extrême Gauche à la Droite.

Admettons, néanmoins, que les circonstances exceptionnelles l’y incitaient.

Réunir les Français dans un même mouvement était aussi l’objectif fixé par de Gaulle en 1947 en fondant le Rassemblement du Peuple Français, qui se composa d’adhérents issus de tous les horizons politiques, comme : « le métro à six heures du soir », selon la formule d’André Malraux.

Et il y réussit, au moins au début, puisque l’on vit s’y côtoyer aussi bien des socialistes, des radicaux, des démocrates Chrétiens que des libéraux de Droite… et même des royalistes.

Après l’échec du RPF, durant les années de sa « traversée du désert », de Gaulle intervint peu publiquement. Néanmoins, il ne manqua pas de faire savoir à Pierre Mendès-France son soutien compréhensif, pendant sa brève période à la tête du gouvernement.

C’est aussi pendant ces quelques années qui précédèrent son retour au pouvoir qu’il fit connaître à ses visiteurs sa vision de l’empire français qui, selon lui, devait évoluer avec son époque, et donc se décoloniser.

A la différence des partis de Gauche comme de Droite qui s’étaient succédés au pouvoir et qui avaient tenté de maintenir, par des moyens militaires, une Algérie française, de Gaulle eut, dès l’été 1958, une approche réaliste et pragmatique du problème algérien. Ce fut donc de Gaulle qui prit l’initiative et les dispositions pour accorder
l’indépendance à l’Algérie. Et pour y parvenir il dut, au péril de sa vie, affronter les extrémistes des deux bords.

Certains le lui reprochent encore. Mais, paradoxalement, ce sont aussi, pour la plupart, les mêmes qui dénoncent aujourd’hui la présence en France de trop nombreux Français d’origine Maghrébine.

Parmi bien d’autres interventions, à Brazzaville en 1944, à Phnom Penh en 1966 et en 1967 sur le conflit Israélo-Palestinien, le patriote exemplaire que fut de Gaulle ne s’est jamais exprimé comme un conservateur ou comme un nationaliste, mais au contraire il a toujours fait preuve d’une vision pragmatique et progressiste du monde.

De même, sans nullement ignorer les aspects totalitaires de l’URSS, qu’il persistait à appeler la Russie, il noua avec ce pays, dès la Libération, des relations qu’il renouvela lors de son retour au pouvoir. Comme ce fut avec une totale détermination que de Gaulle se déclara pleinement solidaire de nos alliés Américains, lors des crises majeures de Berlin et de Cuba.

Par ailleurs, les institutions de la Ve République, voulues par de Gaulle, sont elles d’inspiration de Droite ou de Gauche ? Certes, elles furent véhémentement dénoncées par François Mitterrand en 1964 dans son livre Le coup d’Etat permanent, comme ayant mis en place un « pouvoir personnel ».

Mais, après quatorze années passées à l’Elysée, ce dernier fut considéré comme celui qui avait le plus utilisé à son profit la plénitude des pouvoirs de la fonction. N’est-il pas, aussi, celui qui par deux fois a préféré rester dans la place, malgré les désaveux électoraux qu’il a subis en 1986 et en 1993?

De Gaulle, en revanche, ébranlé par « la chienlit » des évènements de 1968 et malgré un éclatant succès aux législatives qui suivirent, ne manqua pas, à travers le référendum de 1969, de demander aux Français de confirmer la légitimité de son pouvoir. Dès l’annonce de leur réponse négative, le Chef de l’Etat en tira la conclusion que l’on sait. Comment pourrait-on être plus démocrate et respectueux de la volonté du suffrage universel qu’il le fut?

Traitée d’« homme malade de l’Europe », la France de la IVe République s’apprêtait, au printemps 1958, à demander à ses cinq partenaires européens de ne pas respecter les contraintes du Traité de Rome.

Avec une politique volontariste sur le plan économique qui donna du tonus aux entreprises et la crédibilité extérieure à notre pays, et en s’appuyant sur l’ancien projet du RPF d’association capital travail, lui même issu de la création des comités d’entreprises à la Libération, de Gaulle commença à mettre en œuvre l’intéressement et son projet de participation.

Pour ce dernier, ce projet devait conduire notre pays à transformer la condition des salariés, en leur donnant la possibilité de participer aux orientations et aux décisions entrepreneuriales et sociales dans le cadre de leurs activités professionnelles.

Craignant que la participation ne bouscule l’ordre établi dans le monde du travail et n’y réduise le rôle du patronat et des actionnaires, la Droite ne lui donna pas suffisamment l’élan et les moyens nécessaires.

Quant à la Gauche, elle fut elle même frileuse et réservée à l’égard de la participation. Il est vrai que sur ce thème, elle a du faire face à une opposition, plus ou moins déclarée, de la plupart des syndicats.

Alors, aujourd’hui, se déclarer Gaulliste est-ce prétendre se situer à Droite, se vouloir de Gauche, ou est-ce, tout simplement, se mettre au service d’une certaine idée de la France?

C’est pourquoi, si souvent déçu et parfois même furieux, néanmoins militant depuis l’âge de dix huit ans dans les mouvements successifs qui se sont référés à la pensée Gaulliste, je suggère à ceux qui s’en réclament au sein du parti Les Républicains de s’inspirer de la même interview de 1965, au cours de laquelle de Gaulle ajoutait : « Prétendre faire la France avec une fraction, c’est une erreur grave, et prétendre représenter la France au nom d’une fraction, c’est une erreur nationale impardonnable ».

Alain Terrenoire, Président de l’Union des Anciens Députés Gaullistes

Vice-président du club Nouveau siècle

Vous pouvez accéder à l’intégralité du PV de la 17ème Assemblée Générale du Nouveau Siècle du 25 novembre 2017 sur lien suivant.
[gview file= »https://www.cns-atlantique.fr/wp-content/uploads/2017/12/PV-Conseil-national-AG-du-25-novembre-2017.pdf »]
Il intègre notamment la tribune libre d’Alain Terrenoire intitulée « la Droite, la Gauche et le Gaullisme », le débat qui s’en est suivi sur le thème à l’ordre du jour de « Demain le club Nouveau Siècle » et le communiqué de presse de synthèse de ce Conseil national.

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